jeudi 27 décembre 2007

Sur une toile d'Alberto Pla y Rubio

Les textes presentés sous "En vos mots" ont été publiés, une première fois, dans le jardin de Lali.


Qui est-elle ? Que lit-elle ?

À vous de raconter la lectrice d’
Alberto Pla y Rubio. À vous de nous livrer une part de son histoire, à vous de dire ce qui se dégage d’elle. À vous, la toile de ce dimanche, la cinquième de l’aventure qui s’appelle En vos mots.

Bon dimanche et bonne semaine à tous!


Je l’observe. Belle et sereine, en train de lire une lettre d’un ami lointain et pourtant plus proche que beaucoup de ceux qu’elle croise chaque jour. Elle, la femme combative et entière, éprise de liberté, forte et fragile à la fois, qu’aucun combat ne détruit et qui ne se confie, du bout de ses cils, qu’aux livres qu’elle lit. Inlassablement.

Pour tout vous dire, je ne la connais pas vraiment, mais il serait difficile de vous l’expliquer. Puis, il y a bien des choses pour lesquelles, se hasarder à les expliquer, ça reviendrait a se noyer dans l’océan des mots, avant la fin du voyage. Pour rien.

On s’est croisés par hasard. Parce que certaines rencontres n’ont jamais de rendez-vous. Elles arrivent parce qu’elles sont inscrites, quelque part, dans le livre inachevé du temps qui passe. Parce que dans les détours de l’existence on se retrouve un jour au même carrefour et on se regarde et on s’adopte, sans trop savoir pourquoi. Parce qu’un jour quelqu’un a chanté :

« … Et le Golden Gate s’endort
Sur Alcatraz où traînent encore
Des sanglots couleur de prison. … »

Depuis, je l’ai lue quelquefois au-delà des ses propres mots, jusqu’aux murmures presque immobiles de ses silences, Je crois que, parfois, je peux deviner ce qui se cache derrière son sourire vif et timide. Faut croire que les gouts âcres des choses inachevées l’empêchent de rire aux éclats, autant qu’elle aimerait.

Elle aime s’abandonner à son univers. Là où elle sait qu’elle peut se déshabiller sans contraintes ni retenue et ressembler à ce qu’elle est, sans s’égarer à devenir quelqu’un d’autre. Pour ne pas blesser. Par convenance.

Ce qu’elle aime c’est ça. S’abandonner à son univers. Se sentir elle-même. Parmi les souvenirs nostalgiques des choses qu’elle a aimées et que le temps, tout doucement, est arrivé à atténuer sans les effacer réellement.

Seule, parmi ses bouquins, ses véritables et inébranlables amis et confidents, qui ne l’ont jamais déçue ni trahie, elle peut s’abandonner à elle-même pour être ce qu’elle est. Emportée par tant et tant de récits, qu’elle dévore et qui la transportent dans ses désirs, dans ses envies, dans ses rêves, dans ses espoirs. Dans le regard intime et complice de son miroir.

Quelquefois la musique vient, comme un invité, partager l’intimité de ce silence dont elle s’entoure soigneusement.

Comme ses livres, la musique l’invite au voyage. À faire de rencontres. À se souvenir d’amis lointains, certains soirs où elle aimerait tellement avoir une présence, sans mots. Juste l’envie d’entendre quelqu’un d’autre respirer, pour se dire qu’elle est toujours vivante. Que tout l’amour qu’elle transporte dans son cœur n’est pas un fardeau mais un partage.

Certains soirs, c’est sûr, elle se rappelle des amants à qui elle s’est offerte comme un cadeau et qui se sont envolés, depuis, vers d’autres corps, comme des oiseaux sans nid.

Elle traîne encore dans ses souvenirs quelques amours inachevées dont seules les guitares de Jess Cock, ou bien de Vicente Amigo, viennent lui rappeler quelques frissons.

Mais elle ne regrette rien. Pas plus ses anciens amants que toutes ces fois où, enivrée par le vin d’Eros, elle a voulu croire que l’amour, le vrai, était au bout des caresses.

Après tout, les hommes ne sont que des morceaux d’existence, quelque part dans sa vie, comme des poussières d’étoiles perdues dans l’univers de ses silences. Son amour est ailleurs, parmi ses livres, dans le silence qu’elle meuble, jour après jour, au gré de ses humeurs. Dans les mots qu’elle sème dans son immense jardin, fleuri de mil tendresses, malgré ses blessures. Dans sa liberté fière d’être et d’exister, comme si vivre uniquement lui était insuffisant.

Il m’arrive de la croiser certaines nuits de pleine lune où elle n’arrive pas à s’endormir à cause des blessures trop profondes et trop brûlantes que seule l’eau pure de ses larmes arrive encore à apaiser.

Et même si elle vous dit, le cœur blessé, qu’elle ne tombera plus dans le piège des sentiments, je sais qu’elle sait qu’elle y croira une fois encore. Juste une dernière fois encore. Toujours. Une dernière fois encore.

Je l’observe. Appaisée en train de lire une lettre d’un ami lointain, et je crois qu’il serait difficile de vous l’expliquer. Mais je crois que je la connais si bien que je saurais deviner la couleur de son silence et le parfum qu’elle respire, rien qu’en lui caressant le visage du bout de mes doigts fragiles.



[Armando Ribeiro, publié au pays de Lali le 14mai 2007 @ 16:45]

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Olá Armando!

J'ai une grande amie...Cristina (êtats d'âmes).Une portuguaise,avec un coeur brésilien..!Elle habite à Bruxelles!Et parfois,je me trouve jusque confus,mais,je te demanderai:serait propre des habitants de le "pays de Camões" tout cet "chaleur humain"existente dans nos coeur...??
Je pense être une question difficile,comme dirais mes amis lisboetas..."Pois não..!" (expressão muito usual em Portugal..!).

Tony do Brasil

Anonyme a dit…

Depuis quelques semaines, la lectrice avait un rendez-vous le mardi. Elle attendait ce rendez-vous avec impatience car c'était son jour de pose mais jamais sans un livre. Le peintre qu'elle avait rencontré au hasard d'une promenade désirait faire une toile de son visage mais pas n'importe comment. Il lui suggéra de la peindre de profil car il la trouvait magnifique avec ses cheveux relevés, sa nuque délicate et la robe blanche était la touche finale pour faire ressortir la délicatesse de sa peau. Voilà, ce sera parfait se dit-il à chaque fois.

Tout en posant, la lectrice ne voulait pas perdre une miette de son histoire. Pourquoi ne pas terminer mon livre se dit-elle puisque de toute façon je ne peux pas bouger et aujourd'hui, c'est mon dernier jour de pose. Quelques petites retouches par-ci, par-là.

Le peintre était ravi car à chaque fois la douce clarté à travers la vitre effleurait ses cheveux. Comme elle était belle ! Si douce. Il lui présenta la toile et des étincelles brillaient dans ses yeux, car cette toile, après tant d'heures de travail et de pose, elle l'offrirait à l'homme qu'elle aime.