Le rabbin Christian Krammer incline la tête et on dirait qu'il pleure à chaudes larmes…
Personne ne connaît la teneur du message qu'il vient de recevoir.
Personne ne comprend ses larmes. Lui qui a tout vécu. La guerre. L'humiliation. L'exil.
Lui qui a été persécuté par la bête immonde. Lui qui s'est échappé de Varsovie vers Bruxelles avec sa femme et ses six enfants. Lui qui, en 1939, lorsque les troupes allemandes ont envahi les Pays-Bas, s'est de nouveau enfui vers Paris, pour apprendre aussitôt que les Allemands avaient envahi la France.
1940, direction Bordeaux. Une ville pleine des gens en fuite vers nulle part ailleurs. Une ville où le rabbin entend un nom : « Mendes ». Les visas vers l'Espagne ont été interdits par Franco. Il reste les visas vers le Portugal et de là vers l'Amérique. « Mendes », il ne reste que lui pour maintenir l'espoir de milliers de gens. Il y a un moment dans l'histoire des hommes où on devient tous le dernier espoir de quelqu'un.
Le rabbin prend la décision d'aller au Consulat du Portugal à Bordeaux. Les jardins du Consulat ainsi que les escaliers sont remplis des gens désespérés. Après trois heures d'attente, le rabbin est reçu par le Consul « Mendes ». Aristides de Sousa Mendes.
Le rabbin lui raconte son désespoir et sa longue fuite. Sousa Mendes lui promet de l'aide et de faire tout ce qu'il pourra dans les prochaines heures.
Le rabbin heureux lui dit : « Mendes »… Votre famille est juive, n'est-ce pas?
- Non, lui répond le Consul. Depuis au moins cinq générations, on est des catholiques convaincus.
Le rabbin est mal à l'aise.
- Alors, nous sommes condamnés à périr, ici, à Bordeaux ?
Le Consul invite ses enfants à se reposer un peu. Et il donne l'instruction de donner un visa à tous.
Quelques jours après, le rabbin est déjà en route vers l'Amérique avec toute sa famille, dans un bateau plein de compatriotes. Tous avec un visa de passage émis par le Consulat de Bordeaux.
La guerre se termine.
Aristides Sousa Mendes doit règler ses problèmes avec la dictature de Salazar, oficialement "neutre" lors de la second guerre mondiale. Il est accusé et jugé pour désobéissance d'état par Salazar. Il est ainsi échu de tous ses droits civiques ainsi que toute sa descendance.
Aristides Sousa Mendes traverse des années de misère dans son propre pays.
Parce qu'il a sauvé des milliers de vies, malgré les instructions de l'État qui étaient de ne pas émettre des visas aux Juifs. Salazar ne pardonnera jamais l'afrontement du geste humanitaire de Sousa Mendes.
En avril 1954, Sousa Mendes s'endort dans la misère et la solitude.
Un télégramme, annonçant sa disparition est arrivé au rabbin Christian Krammer.
Le rabbin incline la tête et pleure, inconsolable, à chaudes larmes…
En 1967, à New York, Yad Vashem, l'organisation israélienne pour la mémoire des martyrs et héros de l'Holocauste, prête hommage à Aristides Sousa Mendes, avec la plus haute distinction : une médaille commémorative avec l'inscription du Talmud : "Qui sauve une vie sauve l'humanité".
La censure du gouvernement de Salazar interdit que la presse annonce l'événement. Elle avait cependant oublié que la grandeur des hommes est à la mesure des causes qu'ils osent défendre.
4 commentaires:
Je connais bien l’histoire d’Arestides
C’est ma mère qui me la raconte. Puis un jour beaucoup plus tard, j’ai eu la chance de lire l’histoire de sa vie. C’est une honte de voir que un demi siècle passé, il reste encore du conte à régler envers cette famille. Au nom de la démocratie, je remercie cet homme de courage
Je ne connaissais pas cette histoire.
Je trouve triste que cet homme qui avait un coeur, qui était humain termine sa vie misérablement et dans la solitude. Où est la justice ?
Merci Armando pour ce billet.
Chacun a une histoire à raconter dans le scéne de la guerre!Les dictateurs dans l'époque était Franco,Salazar et dans l'Amérique Getulio Vargas.Les juifs souffrirent pendant la guerre avec l'holocauste et maintenant ils faisent avec les palestines la même chose avec l'intolérance.Bizarre non..!
Tu me l'avais raconté un jour. Je suis heureuse de la retrouver ici, dans tes mots, loin des manuels scolaires, avec ce regard attendri que toi seul possèdes.
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